Comment mieux vivre avec l’endométriose au travail ?
Plus de deux tiers des femmes atteintes d’endométriose reconnaissent un impact négatif de la maladie sur leur quotidien professionnel. Quelles sont les possibilités qui nous sont offertes aujourd’hui pour travailler et évoluer au mieux dans le monde du travail ? Revue des options existantes.
Sommaire
ToggleL’impact de l’endométriose pour les femmes sur le plan professionnel
Menée par le Dr Kelechi Nnoaham, la 1ère étude mondiale sur l’impact économique de l’endométriose relève un taux d’absentéisme et une perte significative de productivité au travail chez les femmes atteintes d’endométriose.
Quelques chiffres
65% des femmes atteintes d’endométriose reconnaissent un impact négatif de la maladie sur leur quotidien professionnel
53% des femmes atteintes d’endométriose notent une diminution de leur capacité de travail
60% des femmes atteintes d’endométriose notent un pouvoir de concentration à la baisse
62% des femmes atteintes d’endométriose notent des capacités physiques et intellectuelles réduites pour travailler
56% des femmes atteintes d’endométriose parlent également d’une démotivation
11h par semaine de temps perdu au travail pour absentéisme ou efficacité réduite à cause de l’endométriose
Les conséquences pour la femme, son projet professionnel et sa carrière mais aussi les conséquences socio-économiques de l’endométriose sont donc importantes.
L’impact sur la qualité de vie au travail
L’endométriose rend les activités de travail pénibles
De nombreuses femmes atteintes d’endométriose sont gênées dans leur quotidien professionnel en raison des douleurs ou des troubles physiques associés (fatigue, effets secondaires des traitements, problèmes intestinaux, etc.) qu’elles ressentent. Cela impacte à la fois leurs capacités physiques, mais également leurs capacités intellectuelles et la concentration.
Il devient alors très difficile pour certaines femmes d’exercer leur métier : il est difficile de rester debout longtemps, de se déplacer fréquemment, de travailler en horaires décalés, de porter des charges importantes, d’effectuer des tâches intellectuelles exigeantes, de rester assise longtemps. Sur le sujet, je vous invite à lire l’article sur « endométriose et posture » que j’ai publié il y a quelques semaines et qui peut vous aider…
L’endométriose provoque un mal-être au travail
Ces symptômes affectent ainsi le bien-être au travail des malades, auxquels s’ajoutent parfois les réactions négatives de l’entourage professionnel lorsqu’elles révèlent leur maladie.
Si les salariées n’ont pas à informer leur employeur de leur état de santé, plus de la moitié de l’échantillon (64 %) a parlé de son endométriose à sa direction (supérieur hiérarchique, ressources humaines), le plus souvent après une absence prolongée ou des arrêts fréquents. La direction se montre parfois compréhensive et propose des aménagements d’horaires ou de poste (25 %), mais 12 % de celles qui ont parlé de leur maladie à leur direction déclarent que celle-ci a réagi négativement en tenant des propos intrusifs, inadaptés ou malveillants ou encore en adoptant des comportements perçus comme relevant du harcèlement ou de la « mise au placard ». Par ailleurs, 8 % affirment que leurs directions ont pris des décisions négatives affectant leur poste (modification des tâches à réaliser ou des responsabilités, non-renouvellement du contrat, licenciement).
L’impact sur le parcours professionnel : l’endométriose freine la carrière des femmes atteintes de la maladie
Près de la moitié des femmes atteintes d’endométriose affirme que la maladie les a gênées dans leur carrière professionnelle. En effet, nombreuses sont celles qui souffrent d’une mise en retrait, d’une culpabilité de ne pouvoir assumer son travail, et d’une peur d’être perçue comme quelqu’un de vulnérable, de faible et/ou qui voient leur évolution de carrière ralentie, subie.
Elles estiment qu’à cause de la maladie elles ont été licenciées, que leur contrat n’a pas été renouvelé ou qu’elles n’ont pas eu les avancements de carrière qu’elles escomptaient, qu’elles n’ont pas pu postuler à des offres ou honorer des contrats ou encore qu’elles ont perdu des clients à cause des effets de leur endométriose.
Dans certaines situations, l’impact de l’endométriose peut aller jusqu’à la rupture du contrat, à l’initiative de l’une ou l’autre des parties, quand le dialogue n’est pas amorcé.
Les femmes sont amenées à se poser des questions qui peuvent leur générer du stress et de l’anxiété dans le rapport à leur vie professionnelle :
- Les symptômes me permettent-ils d’envisager de manière sereine la réalisation de mon projet professionnel ?
- Dois-je parler de ma maladie lors des entretiens ?
- Dois-je discriminer mon futur employeur en fonction de sa politique RSE ?
- Est-ce que je peux adopter un statut particulier qui prend en compte mon handicap ?
- Est-ce que l’entreprise peut me licencier si mes symptômes empirent et affectent ma disponibilité ?
- Est-ce que je risque une sanction si je ne parle pas de ma maladie ?
Dois-je parler de ma maladie dans le cadre professionnel ?
Dois-je en parler à mon supérieur ? Dois-je en parler à mes collègues ? Dois-je en parler lors d’un entretien de recrutement ?
Il n’y a aucune obligation d’informer son employeur de sa maladie.
Cependant, il peut être délicat de parler de l’endométriose à son employeur, à son supérieur hiérarchique, à ses collègues est aussi délicat parce que c’est une maladie qui touche à l’intime. Et comme l’endométriose est une maladie méconnue, les femmes ont peur du jugement, ce qui génère un stress qui va amplifier les symptômes. Mais ne pas en parler peut entraîner le fait de se sentir seule et incomprise au quotidien. Et dans le même temps, comment expliquer les absences régulières, la fatigue chronique, le besoin de temps …
Lorsqu’on fait le choix de parler de sa maladie, on s’inscrit dans un collectif sur le moyen-long terme, avec transparence et pragmatisme en dévoilant une partie de sa vie privée. C’est aussi prendre le risque d’être perçue comme un élément fragile, dont les performances dépendent en premier lieu de la maladie et des symptômes qu’elle génère, et d’être en conséquence restreinte dans les champs d’interventions et dans les perspectives d’évolution.
Quels sont mes possibilités et mes droits ?
Rencontrer le médecin du travail pour adapter mes modes de travail
Comment ça se passe ?
Tout salarié peut demander et obtenir un rendez-vous au médecin du travail, en dehors de tout rendez-vous « obligatoire » et défini par l’employeur et ce, dès que sa santé impacte son quotidien au travail. Comme tout médecin, c’est un allié qui peut orienter sur la problématique. Le médecin du travail est tenu au secret médical, comme tout autre médecin. Cependant, avec l’accord de la personne qui le consulte, le médecin du travail peut envisager d’informer l’employeur de son état de santé.
Que peut-il faire ?
Ainsi après les avoir définies avec la personne malade, des mesures visant un meilleur « confort » au travail peuvent être proposées par le médecin du travail à l’employeur :
- Aménagement du poste de travail (chaise de bureau plus confortable, bureau à proximité des toilettes, place de parking proche de l’établissement, etc.)
- Aménagement ou flexibilité des horaires de travail : l’endométriose génère des crises violentes, souvent la nuit, qui font que le sommeil est difficile, voire impossible
- Changement de poste au sein de l’entreprise, s’il est trop physique
- Rendre possible le télétravail soit de façon systématique (1 ou 2 jours par semaine) ou en cas de difficulté momentanée
Faire une demande d’affection longue durée (ALD)
Qu’est-ce que c’est ?
L’affection longue durée (ALD) est une affection qui nécessite une interruption de travail ou des soins continus d’une durée prévisible égale ou supérieure à six mois. Lorsque l’on bénéficie d’une ALD, les soins médicaux sont pris en charge à 100% par la sécurité sociale (uniquement les soins pris en charge par la sécurité sociale et les tarifs conventionnés, pas les dépassements d’honoraire ou les soins de médecines alternatives).
Aujourd’hui, l’endométriose est considérée comme une ALD hors liste ou ALD 31, ce qui signifie que le statut n’est pas accordé de manière « automatique » mais qu’il est attribué sur dossier. L’ALD 31 concerne les patients atteints d’une forme sévère d’une maladie, ou d’une forme évolutive ou invalidante d’une maladie sévère et qui comporte un traitement prolongé d’une durée prévisible supérieure à six mois et une thérapeutique particulièrement coûteuse.
Comment faire ?
Pour en bénéficier, il faut faire une demande spécifique auprès du médecin traitant. Ce dernier remplit un protocole de soins soumis à l’appréciation de l’assurance maladie. Il n’y a pas de certitude quant à son obtention, c’est l’assurance maladie qui prend la décision.
Il est possible de représenter son dossier en cas de refus si votre situation le justifie.
A noter : l’intégration de l’endométriose dans la liste des 30 ALD est en cours d’étude au ministère de la santé. Cela vous permettrait d’être intégralement remboursées de vos frais de santé en lien avec l’endométriose.
Faire une demande de reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé (RQTH)
Qu’est-ce que c’est ?
La reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé est un statut reconnu par la commission des droits et de l’autonomie des personnes handicapées. Elle apparaît sous forme d’une notification de décision et est accordée pour une durée de 1 à 5 ans.
Elle permet :
- des aménagements d’horaires pour les démarches médicales et ainsi justifier les absences
- de bénéficier d’un accompagnement pour la recherche d’emploi
- de bénéficier des aides pour le maintien dans l’emploi ….
Comment faire ?
La demande se fait auprès du médecin traitant qui remplit le dossier. Pour construire le dossier, on peut se faire aider par l’assistante sociale. C’est ensuite la Maison départementale des personnes handicapées (MDPH) qui accorde, ou non, cette reconnaissance, en fonction de la « sévérité » de votre dossier. Elle détermine également la nature et le taux de l’incapacité.
Faire une demande de mi-temps thérapeutique
Qu’est-ce que c’est ?
Le mi-temps thérapeutique est un aménagement temporaire de la durée du travail pour reprendre progressivement votre activité professionnelle, suite à une maladie. Il est destiné à améliorer l’état de santé ou à favoriser la guérison car il permet de limiter la fatigue (et éventuellement l’intensité de la douleur), mais aussi le stress engendré par la reprise d’une activité professionnelle intense.
Comment faire ?
Pour bénéficier d’un mi-temps thérapeutique, il faut obtenir une prescription médicale du médecin traitant, puis en parler avec l’employeur pour avoir son accord et établir conjointement avec lui, une attestation.
Ensuite, il faut transmettre la prescription médicale du médecin traitant et l’attestation de l’employeur à la CPAM.
Y ai-je droit ?
Il est possible de bénéficier du mi-temps thérapeutique uniquement si vous avez préalablement fait l’objet d’un arrêt de travail indemnisé par la Sécurité Sociale. Le mi-temps thérapeutique peut être consécutif à la période d’arrêt de travail ou à une reprise temporaire à temps complet faisant suite à l’arrêt initial.