Devenir patiente experte avec l’endométriose
Il y a quelques mois, dans mon article intitulé “Manifeste pour une approche intégrative de la santé avec l’endométriose”, je vous parlais des programmes d’éducation thérapeutique conçus spécialement pour aider les femmes atteintes d’endométriose à améliorer leur qualité de vie avec cette maladie chronique. La découverte de cette approche à mon sens plus qu’indispensable dans le parcours de vie de chaque femme avec l’endométriose m’a donné envie de me former.
En me formant durant 40h à l’éducation thérapeutique, je suis depuis patiente experte. Ce « titre » que je peux utiliser parce que je me suis formée et que je continue de me former me permet d’accompagner les patientes atteintes de maladies chroniques à l’hôpital, dans des associations ou des maisons de santé dans les parcours d’éducation thérapeutique, de donner des conférences voire d’accompagner des marques dans le développement de leurs outils pour les patients.
Ci-dessous je vous dis tout sur ce qu’est qu’un patient expert, les raisons qui m’ont poussée vers l’éducation thérapeutique et comment faire pour vous impliquer aussi dans l’amélioration de la qualité de vie des femmes qui vivent avec l’endométriose. C’est parti.
Sommaire
ToggleQu’est-ce qu’une patiente experte ?
La maladie, un lieu de professionnalisation et d’apprentissage
L’endométriose, comme toutes les maladies chroniques d’ailleurs, en raison des actions qu’elle nous demande de mettre en place au quotidien, de la charge mentale qu’elle implique peut être considérée comme notre deuxième travail.
Et comme dans tout travail, nous acquérons au fil du temps de nouvelles compétences :
- des savoirs : qu’est-ce que la maladie ? Comment se développe-t-elle ? quels sont les traitements médicaux et chirurgicaux ? Quelles sont les actions à mettre en place pour soulager les symptômes au quotidien ?
- des savoir-faire : la prise des traitements, l’adaptation de notre alimentation, la gestion des crises, et bien d’autres
- des savoir-être : savoir vivre avec la maladie dans le milieu professionnel, la gestion de notre vie de famille avec la maladie, l’adaptation de notre vie sexuelle, etc.
En effet, nous mobilisons jour après jour une combinaison de ressources orientée vers une vie la plus sereine avec la maladie et faisant l’objet d’un développement à l’occasion de la réalisation de nouvelles formes d’activités. Notre expérience avec la maladie chronique fait que nous devenons en quelque sorte des professionnelles de la vie avec l’endométriose.
Être malade c’est réaliser au jour le jour des apprentissages et cela peut s’apparenter à un processus de professionnalisation (Wittorski, 2007).
Utiliser cette somme de connaissances et de compétences acquises dans le parcours de vie avec la maladie chronique au bénéfice d’autres personnes malades est désormais possible. C’est tout l’enjeu de la reconnaissance de l’expertise du patient par le biais du statut de patient expert.
Catherine Tourette Turgis a créé l’Université des patients à la faculté de la Sorbonne, un dispositif de formation diplômante à visée de professionnalisation ou de redéploiement personnel, sachant que dans le cadre de la maladie, apprentissage, expérience et développement sont étroitement intriqués.
Quelques années plus tard une formation certifiante en 40h reconnue par l’Etat est venue reconnaître les compétences que chacune de nous peut acquérir au fil du temps et de son vécu avec la maladie chronique. Cette certification vient également nous apprendre comment transmettre cette expertise aux autres.
J’ai suivi il y a deux ans cette formation certifiante en 40 h qui permet de pouvoir intégrer les équipes prodiguant l’ETP à l’hôpital ou dans certaines associations et ainsi d’apporter notre aide aux femmes qui veulent apprendre à mieux vivre avec l’endométriose.
Patiente experte, ca veut dire quoi ?
Un patient expert est une personne atteinte d’une maladie chronique qui a pu prendre du recul sur sa maladie et qui a développé une véritable expertise sur le sujet (difficile d’être patient expert quand on vient d’être diagnostiqué et d’ailleurs on a beaucoup d’autres préoccupations prioritaires à ce moment là).
A l’origine, un patient expert est un personne qui est concernée comme patient (ou comme proche d’un patient) par une maladie chronique et développe au fil du temps une connaissance fine de la maladie et dispose ainsi d’une réelle expertise dans le vécu quotidien d’une pathologie ou d’une limitation physique liée à son état.
En France, il n’existe pas de définition officielle du patient expert : elle varie selon les domaines d’expertise considérés, les fonctions et les circonstances. C’est la traduction de l’anglais qui s’est imposée sous l’impulsion de quelques acteurs (l’alliance européenne des associations de patients atteints de maladies rares (EURORDIS), et de l’Agence Européenne du Médicament [EMA], notamment).
Après deux siècles de paternalisme médical, c’est une des manifestations de l’avènement du pouvoir des malades et un véritable phénomène de société consacré par la Charte d’Ottawa (OMS, 1996), les lois Kouchner (2002) et Hôpital, Patients, Santé, Territoire [HPST] (2009) en France. On parle désormais de démocratie en santé.
Un patient-expert est avant tout un « pair aidant » même s’il peut par ailleurs assurer d’autres rôles en parallèle comme porter la voix des patients ou défendre leurs intérêts.
L’évolution vers l’expertise passe par le développement d’un savoir-être (et ce savoir-être s’acquière lors d’une formation en éducation thérapeutique) Le patient-expert approfondit sans cesse ses connaissances, capitalise son expérience et celle des autres patients pour se mettre à la disposition des professionnels de santé, des chercheurs et des institutions, mais aussi de ses pairs. Cette expertise doit être reconnue par tous. On ne naît pas patient-expert, on le devient et on cultive cette compétence.
Chaque patient-expert n’a que rarement toutes les compétences dans l’ensemble des domaines (médico-scientifique, médico-social, accompagnement). Chacune de ces compétences s’acquière et se travaille aussi par la formation. Le patient-expert doit savoir écouter, s’adapter, être dans l’empathie, être humble et attentif, rester dans des limites éthiques et altruistes, ne pas outrepasser son rôle, mais aussi ne pas s’oublier lui-même tout en sachant prendre de la distance le moment venu. Il doit être capable de communiquer, d’être pédagogue et de vulgariser sans déformer.
Aujourd’hui, on parle plutôt de patient partenaire et de patient ressource
Aujourd’hui, on utilise moins le terme de “patient expert” au profil du terme de patient partenaire car il met l’accent sur la nécessité d’une approche collaborative entre soignants et patients.
Un patient partenaire partage l’expérience vécue de la maladie et collabore comme membre à part entière de l’équipe de soins.
Selon Marguerite Friconneau (Le patient-expert – Un nouvel acteur clé du système de santé, Marguerite Friconneau, Annie Archer, Jeanne Malaterre, Françoise Salama, Marie-Christine Ouillade, Med Sci (Paris) 36 62-64 (2020) DOI: 10.1051/medsci/2020206) “la médecine de demain sera personnalisée, participative et prédictive, avec des patients au cœur du système de santé, encore plus acteurs de leur prise en charge globale. Leurs besoins et leurs attentes sont ainsi de plus en plus recherchés et évalués aussi bien par le milieu médical que par l’industrie pharmaceutique, la notion de Patient Reported Outcomes (PRO) en étant un bon exemple. Pour accompagner cette évolution, les patients-experts ont un rôle à jouer à tous les niveaux, de la recherche à la prise en charge médicale et sociale, sans oublier l’accompagnement des malades dans leur parcours de santé et leur trajectoire de vie. Ils sont un lien, des intermédiaires fiables qui vivent la maladie et la connaissent de l’intérieur. Ils enrichissent cette connaissance grâce au partage et à la capitalisation des expériences des autres malades. Ils sont capables de traduire et porter les aspirations des malades et de leurs proches qui ne sont pas nécessairement celles des médecins. Un temps précieux est ainsi gagné.”
Comment devenir patient expert, patient partenaire, patience ressource ?
Pour devenir “patient expert” ou “patient partenaire”; il faut se former à l’éducation thérapeutique par le biais de la formation en 40h reconnue par l’Etat. Cette formation est suffisante pour pratiquer l’ETP dans différentes structures. C’est une formation très pratique, dans laquelle on met tout de suite en oeuvre les différentes techniques et outils de l’éducation thérapeutique.
La Fabrique de santé, à l’origine association devenue au fil du temps organisme de formation, propose une formation “Dispenser l’éducation thérapeutique” en 40h en présentiel et/ou en distanciel. Avec le code ENDHOLISTIC1, 100 euros de réduction sur la formation “Dispenser l’ETP” de la Fabrique de santé.
Il est ensuite possible de prolonger cette formation par un diplôme universitaire (DU) ou un master sur le sujet si l’on souhaite prendre de la hauteur sur le sujet et s’intéresser au courant de pensées, à l’évolution des pratiques, etc.
Qu’est-ce qu’un patient expert ?
Le principe de l’éducation thérapeutique
L’objectif de l’éducation thérapeutique du patient (ETP) consiste par le biais d’un accompagnement spécifique à outiller le patient pour qu’il ait la vie qu’il désire avec la maladie chronique. L’éducation thérapeutique permet une amélioration de la qualité de vie du patient avec la maladie. C’est un processus continu, qui fait partie intégrante et de façon permanente de la prise en charge du patient.
C’est un concept inscrit dans la loi française depuis 2009 et très encadré : la loi « Hôpital, patients, santé et territoires » a confié à la Haute autorité de santé une mission d’évaluation des programmes d’ETP.
Un des fondements de l’éducation thérapeutique consiste à se centrer sur le patients et sur ses besoins et non sur une hypothétique situation idéale dans laquelle il devrait se trouver. Ainsi l’ETP correspond à tout ce qui est mis en place pour aider les patients à prendre soin d’eux-mêmes, en favorisant leur implication dans les décisions et les actions qui concernent leur santé. Selon Dr Brigitte Sandrin, Directrice de l’Association française pour le développement de l’éducation thérapeutique du patient “cela passe d’abord par la formation des professionnels de santé qui doivent apprendre à écouter les patients, à adopter une démarche centrée sur le patient et non pas sur la maladie, à prendre en compte la personne dans son environnement, à construire avec elle des solutions adaptées”.
En ce sens, pour l’Organisation mondiale de la santé dans son Rapport de l’OMS-Europe, publié en 1996, Therapeutic Patient Education – Continuing Education Programmes for Health Care Providers in the field of Chronic Disease, l’enjeu de l’éducation thérapeutique est d’aider le patient à développer ses propres connaissances et compétences en rapport avec la pathologie dont il est atteint pour gérer au mieux leur vie avec une maladie chronique. Parmi ces compétences, on retrouve :
- l’acquisition et le maintien par le patient de compétences d’autosoins . Parmi elles, l’acquisition de compétences dites de sécurité vise à sauvegarder la vie du patient. Leur caractère prioritaire et leurs modalités d’acquisition doivent être considérés avec souplesse, et tenir compte des besoins spécifiques de chaque patient ;
- la mobilisation ou l’acquisition de compétences d’adaptation. Elles s’appuient sur le vécu et l’expérience antérieure du patient et font partie d’un ensemble plus large de compétences psychosociales.
Les compétences d’autosoins | Les compétences d’adaptation (appelées aussi compétences psychosociales) |
Soulager les symptômes. Prendre en compte les résultats d’une autosurveillance, d’une automesure. Adapter des doses de médicaments, initier un autotraitement. Réaliser des gestes techniques et des soins. Mettre en œuvre des modifications à son mode de vie (équilibre diététique, activité physique, etc.). Prévenir des complications évitables. Faire face aux problèmes occasionnés par la maladie. Impliquer son entourage dans la gestion de la maladie, des traitements et des répercussions qui en découlent. | Se connaître soi-même, avoir confiance en soi. Savoir gérer ses émotions et maîtriser son stress. Développer un raisonnement créatif et une réflexion critique. Développer des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles. Prendre des décisions et résoudre un problème. Se fixer des buts à atteindre et faire des choix. S’observer, s’évaluer et se renforcer. |
Pour en savoir plus, vous pouvez consulter les recommandations de la Haute autorité de santé sur le sujet.
Les compétences d’adaptation au centre du jeu de l’éducation thérapeutique
Les compétences d’adaptation à la maladie sont essentielles pour la qualité de vie du patient, comme pour son adhésion au projet thérapeutique.Elles doivent permettre au patient d’exprimer ses besoins, de solliciter son entourage, de faire valoir ses choix de santé, sans agressivité, sans opposition indirecte, ni passivité.Ces techniques empruntant à la psycho-pédagogie et à la communication amènent le patient à prendre conscience de sa propre capacité à agir sur les blocages dont il souffre avec son entourage. Elles renforcent positivement son image de soi, et l’aident à reprendre l’initiative dans des situations où il était auparavant très passif. Elles lui apprennent à exprimer calmement, de manière constructive et beaucoup plus efficace ses besoins, tout en limitant les tensions internes comme relationnelles. Pour toutes ces raisons, l’acquisition de ces techniques est essentielle à la qualité de vie du patient, à son adhésion au projet thérapeutique, comme à son adaptation à la maladie.
A la différence des compétences d’autosoins qui permettent à la personne malade de savoir gérer sa maladie au quotidien, les compétences d’adaptation permettent à la personne de savoir vivre avec la maladie au quotidien, c’est-à-dire établir un nouveau rapport à soi, aux autres et à l’environnement.
L’Organisation mondiale de la santé les définit comme des « compétences psycho-sociales ». Elles sont davantage orientées vers la promotion de la santé, en particulier la santé mentale ce qui leur confère un caractère assez général (se connaître soi-même, avoir confiance en soi ; savoir gérer ses émotions et maîtriser son stress ; développer un raisonnement créatif et une réflexion critique ; développer des compétences en matière de communication et de relations interpersonnelles ; prendre des décisions et résoudre un problème ; se fixer des buts à atteindre et faire des choix ; s’observer, s’évaluer et se renforcer).
Elles sont au centre de l’ADN de l’éducation thérapeutique dans la mesure où souvent le malade a une connaissance assez développée de sa maladie mais a plus de difficultés à trouver les outils pour améliorer sa qualité de vie et vivre sereinement avec.
Pour avoir une liste complète et organisée des compétences d’adaptation, vous pouvez consulter l’article Compétences d’adaptation à la maladie du patient : une proposition (etp-journal.org)
Soignants et patients main dans la main pour améliorer la qualité de vie des personnes atteintes de maladie chronique
Pour valider un programme d’éducation thérapeutique proposé par un hôpital ou une association ou une maison de santé, les agences régionales de santé demande à ce que l’équipe qui conduit le programme comprenne au moins un patient partenaire.
L’idée qui sous-tend cette obligation est de redonner toute sa place au patient dans le parcours de soin et de tenir compte de son expérience de la maladie au quotidien. Beaucoup de soignants confirment la présence indispensable des patients dans les parcours d’éducation thérapeutiques car les patients savent beaucoup de choses sur le vécu avec la maladie, que les soignants ne connaissent pas.
Qui peut se former à l’éducation thérapeutique ?
Tout patient, toute personne ayant un proche malade (pair aidant), tout soignant peut se former à l’éducation thérapeutique.
Etre formé à l’éducation thérapeutique est particulièrement intéressant et utile en tant que soignant que ce soit à l’hôpital mais aussi dans le cadre d’une activité libérale que ce soit en tant que médecin généraliste, infirmière, diététicienne et dans bien d’autres professions de soins encore.
En tant que patient, c’est aussi une formation très enrichissante car elle permet d’apprendre beaucoup sur soi et de développer, au contact des autres patients et des soignants suivant la formation, de nouvelles compétences pour prendre soin de soi avec la maladie.
Quels sont les débouchés ?
Il est possible d’exercer l’éducation thérapeutique dans le cadre des programmes spécifiques dans les hôpitaux, les associations et les maisons de santé.
Sur l’endométriose, il existe de plus en plus de programmes hospitaliers qui sont à la recherche de patients experts/patients partenaires. En effet, les agences régionales de santé (ARS) obligent les hôpitaux à intégrer au moins un patient quand ils constituent les équipes de leur programme. Dans les programmes existants aujourd’hui, on peut citer :
- Aix-en-Provence à la clinique Axium
- Marseille à l’hôpital Saint Joseph
- Montpellier au CHU
- Paris Hôpital Saint Joseph
- Paris dans les centres Point Gyn
- Argenteuil au CHU
- Angers
Il est également possible d’exercer son rôle de patient expert, patient partenaire auprès de plate-forme comme Tomo. Le fait d’être patient expert ouvre également la possibilité d’intervenir dans des conférences et des colloques.
Enfin, certaines marques font appel à l’expertise des patients dans le développement de leurs produits, de leur communication, etc.
Vous voulez en savoir encore plus sur l’éducation thérapeutique ? Je vous invite à regarder le live Instagram que j’ai fait avec Elodie Basset et Christelle Grossaud, toutes les deux ingénieures en éducation therapeutique et qui ont créé la Fabrique de santé association puis organisme de formation qui propose des formations en ETP à destination des soignants, des patients et des pairs aidants. Grâce au code ENDHOLISTIC1 vous avez 100 euros de réduction sur la formation «Dispenser l’ETP » de la Fabrique de santé.